lundi 6 février 2012

Les origines du motif décoratif

Les fleurs, et plus globalement les végétaux, sont depuis les origines de la peinture, un motif central des natures mortes. Petit aperçu d'une genèse.


Les historiens de l'art s'accordent à situer les origines de l'ornementation dans la copie du modèle floral. 

Or, si cette histoire a débuté, si cette transformation progressive d'un motif floral en un motif géométrisé devenu autonome par rapport à son référent d'origine a eu lieu, c'est d'abord parce que le motif floral, en plus d'être agréable à l'homme (ci-contre : Fresque dite « Flore », Pompéi 1er siècle ap. JC), offrait des qualités exceptionnelles aux désirs de stylisation. Et les effets de stylisation succédant aux effets de stylisation, le motif floral a peu à peu disparu.


Mais revenons en arrière. Le premier développement de cette stylisation des motifs floraux eut lieu en Égypte. 
Le rôle que jouait le papyrus dans la société égyptienne lui conféra un statut particulier qui légitimait sa représentation : parce que lié à l'eau, il était le symbole de la vie. Ainsi en allait-il aussi du lotus. On représenta donc d'abord ces deux plantes en tant que motif organiques, mais aussi pour leur valeur symbolique. Or, peu à peu, à mesure que les artistes les dessinait et les stylisait, les motifs se transformaient, au point de se détacher partiellement de leurs référents initiaux pour n'être plus qu'une forme servant de motif lorsqu'on voulait décorer un bijou ou un ustensile.
 
C'est de cette façon que la feuille de lotus devint en Grèce un motif central de l'ornementation. 
Or, la feuille de lotus était déjà un motif décoratif quand les Grecs se sont mis à l'utiliser à l'époque hellénistiqueAloïs Riegl* a montré comment ce même motif qu'utilisait les Grecs, et qui constituait l'un des sujets de prédilection de la représentation dans la Grèce antique, dérivait lui-même du dessin de la fleur de lotus des Egyptiens.  
En s'appropriant les motifs pré-existants, les différents bassins culturels, écrit-il, les reproduisaient, puis les déformaient et produisaient in fine autant d'inventions stylistiques conformes à leurs esthétiques. Mais les Grecs se détachèrent très vite du référent pour laisser libre cours à toutes formes de variations. Dès lors, la stylisation entraina la simplification. 
 
Pour les Romains, le motif floral venait d'abord orner les demeures. On peignait à l'époque sur les murs des villas d'été des scènes de la vie campagnarde observées alentour.
On adapta alors aux exigences des surfaces les végétaux qui formaient une sorte de lien contigu entre les compositions centrales qu'ils séparaient du reste du mur. Ils avaient ceci de particulier qu'en les reproduisant, à la manière des motifs géométriques des frises grecques, ils finissaient par former de nouveaux motifs qui excédaient la simple représentation de leurs modèles.
On se mit alors à les styliser autant qu'on en avait l'envie ou le besoin pour des raisons d'adaptation et de recouvrement des supports, au point que leur répétition en vint à former des frises composées de motifs géométriques.


Peu à peu, le référent floral s'évanouit derrière ses interprétations. Les végétaux qui avaient servi de modèles disparaissaient au point de n'être plus reconnaissables sinon à travers une simplification que ne gardait de leur référent que les lignes et les courbes les plus suggestives et les plus harmonieuses.

Le motif décoratif - dont l'art perse d'abord, puis l'art islamique par la suite (ci contre : plat à dessin kaleidoscopal, période otomane, 1580–85,  Iznik, Turquie - Metropolitan museum of art, NYC) allaient dans les siècles suivant si brillamment développer le plein potentiel - était né.



*: Aloïs Riegl, Grammaire historique des arts plastiques - Ed. Klincksieck, coll. L'esprit et les formes

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