samedi 23 juin 2012

Peindre les ombres : Giorgio Morandi

Giorgio Morandi est un peintre et graveur italien du XXème siècle, né à Bologne en 1890 et mort dans cette même ville en 1964, qui a peint pour l'essentiel peint de natures mortes.



Giorgio Morandi est sans conteste un grand peintre de natures mortes, dans une veine qu'on pourrait qualifier d'introspective. Il peint toujours les mêmes sujets, soit à peine quelques ustensiles aux formes plutôt simples, et toujours posés sur des fonds neutres aux tons uniformément beiges ou terre de Sienne.

L'influence de Cézanne - dont il se réclamait - imprègne fortement sa peinture.

Comme Cézanne, il est un peintre de la lumière méditerranéenne.
Comme lui surtout, il retourne aux volumes, à cette étendue physique des objets qui fait mur à la lumière.
C'est là, dans les recoins d'ombre des surfaces, et paradoxalement à l'impression première d'une peinture très lumineuse, que Morandi se révèle être un peintre de l'ombre, un peintre tout entier tourné vers ces lieux où la lumière s'estompe.


Morandi n'aborde pas la lumière frontalement. Il passe par le côté, il procède par petites touches, comme lorsqu'il peint ces parties qui ne sont pas noyées dans la lumière et qui se révèlent aux arêtes des objets. Dans ces interstices, dans ces trous d'ombres, la matière un temps dissoute dans la lumière semble se rassembler. 

Regardez bien. Vous verrez que c'est de ses endroits sombres que naissent les objets. C'est là qu'ils émergent de la lumière aveuglante (cette lumière méditerranéenne si blanche) dans laquelle ils sont noyés. C'est par cette absence de lumière, en définitive, qu'ils existent, et non dans la clarté lumineuse qui en elle-même ne permettrait pas leur apparition.

C'est peut-être là, finalement, que s'exerce le tour de force de Morandi, pour qui le voir ne se réalise plus dans l'apparaître, mais bien plutôt dans un début de disparition. Là où, dans un peu d'ombre, se révèlent les fameux "cônes et cylindres" chers à Cézanne.