dimanche 26 février 2012

Un après-midi au Prado

Musée du Prado, Madrid, Espagne -  www.museodelprado.es  

Comme je passais quelques jours à Madrid pour le boulot, j'ai profité d'un après-midi libre pour m'offrir une visite.
Retour, en toute subjectivité, sur quelques belles surprises... 


Comme tout le monde, je savais que le musée du Prado renferme de grands tableaux : qu'il y a là, du fait de la splendeur de la cour royale d'Espagne à cette époque, certains des plus grands chef-d'œuvre des XVIème et XVIIème siècle et qu'il renferme les célèbres "Ménines" de Velasquez, tableau sur lequel on a sans doute le plus écrit et qui symbolise peut-être à lui seul le Prado, ou encore le Jardin des Délices de Jérôme Bosch...  
Bref, je m'attendais à voir grand, et pourtant j'étais loin de me douter à quel point c'était vrai tant le Prado regorge de trésors moins connus qui valent à eux seuls la visite. 
Petit passage en revue des principales surprises :

La première surprise du Prado, ce sont les Italiens. 
Parce qu'en plus des maîtres espagnols qui incarnent bien légitimement la collection du Prado, il y a dans ce musée des pièces considérables des grands peintres italiens, datant plus particulièrement de la seconde Renaissance et du manièrisme : 
- avec Titien tout d'abord. Parce que si Titien est sans aucun doute l'un des plus grands peintres que l'histoire de la peinture ait compté, c'est sans aucun doute au Prado, où l'on peut voir au Prado certains de ses plus grands portraits, qu'on s'en rend le plus compte. Il faut s'arrêter sur son portrait de Charles Quint d'abord, pour qui il peignit pendant plusieurs années, ou sur celui de Philippe II, ou encore cet autoportrait de profil datant de 1562 où il est déjà si vieux et que j'ai toujours trouvé si émouvant, et ne pas oublier d'autres peintures de sujets mythologiques, telle cet "Venus et Adonis", 1553 (ci-dessus) s'exprime toute le génie du vieux maître. 

- avec Véronèse ensuite : Véronèse que j'ai toujours trouvé d'une incroyable sensualité (il n'y a qu'à regarder un instant son "Venus et Adonis" de 1580 reproduit ci-contre et de le comparer à celui peint par Le Titien pour voir combien les positions et les attitudes des personnages, le soin attentif porté aux corps et jusqu'à la représentation des chiens conférent un érotisme palpable à l'ensemble de la scène). Véronèse le sensuel donc, mais dont on découvre aussi, grâce aux nombreuses toiles de la collection du Prado, la très grande subtilité, notamment dans des tableaux moins grandiloquents tels que "La familia de Caín errante" où la composition à elle seule révèle et transfigure toute la misère imposée à Caïn et à sa famille à la suite du rejet divin,
- avec Raphael aussi, dont la douceur des sujets et la qualité des couleurs ne sont pas démenties, ou encore avec Gian Battista Moroni - un portraitiste élève de Titien que j'apprécie particulièrement - dont le Prado possède deux portraits magnifiques et dont je voyais des tableaux exposés pour la première fois (à l'époque, je n'avais pas encore visité le Musée Condé à Chantilly qui possède aussi deux portraits de G.B. Moroni) ; 


- sans oublier un Tintoret magistral : "El Lavatorio", 1548.1549 (ci dessus), une œuvre gigantesque tant par sa taille (210 x 533 cm) que par la qualité de la composition qui m'a obligée à réévaluer ce peintre dont j'avais jusqu'alors une impression pour le moins mitigée dans laquelle les tableaux vus à Paris puis à Rome m'avaient jusqu'à présent confortés.


La deuxième surprise, c'est Goya. 
Son expressivité agressive, son trait lourd et rageur, ses visions cauchemardesques...

Les tableaux de la "période noire" (la "période noire" correspond aux vingt dernières années de la vie de Goya, de l'invasion de l'Espagne par Napoléon en 1808 à sa mort en 1828sont tous simplement effrayants. Beaucoup sont inachevés, presque à l'état de dessin.
Dans cette série de tableaux, il est clair que Goya ne cherche pas la précision : son trait, bien que précis, est fougueux, schématique, volontairement proche de l'esquisse. Ce sont, à proprement parler, des caricatures.

Quant aux scènes représentées, toutes sont hantées par des figures de la mort et très souvent de la vieillesse : des masques grotesques flottant au-dessus des toiles comme des ombres dangereuses (ci-dessus : Goya, "Deux vieilles qui mangent", 1821/1823) succèdent à des scènes de violence, réalistes (combats et duels) ou symboliques, comme (ci-contre) "Saturne dévorant un de ses enfants", 1823
A cette vision déjà tragique s'additionne la scénographie (volontaire ?) du musée qui rajoute une dose de sinistrose à la visite : obscurcies par de lourds volets qui les privent de la lumière extérieure, les salles consacrées à Goya ressemblent à un parcours peuplé de figures effrayantes. 

Quoiqu'il en soit, cette visite m'a au moins confirmée une chose : c'est que Goya - sans basculer dans la mythologie de "l'artiste en avance sur son temps" - est quand même sérieusement anachronique. Par son trait rageur, "expressionniste" avant l'heure, qui préfigure Delacroix et plus tard Van Gogh ; par ses sujets ensuite qui reproduisent les désordres de la psyché collective aussi brillamment que Jérome Bosch avait su le faire avant lui.


La troisième surprise, plus en lien avec le thème de ce blog, est un peintre de natures mortes.


Non, ce n'est ni Francisco de Zurbaran. Parce que je le connais depuis longtemps - et que ça aurait été trop facile - mais aussi parce que ses natures mortes m'ont moins impressionné que celles d'un autre peintre que je ne connaissais pas, mais dont les quelques tableaux présentés sont d'une qualité exceptionnelle. 

Ce peintre, c'est Juan Fernandez El Labrador, un peintre madrilène de natures mortes du XVIIème siècle, très talentueux, auquel je consacrerai un article à part. 

l'article à part > Juan Fernandez


L'idée de cet article n'était pas de faire un bilan exhaustif d'une visite du Prado - laquelle nécessiterait un livre entier ! - mais seulement de donner un bref aperçu d'une visite de biais, hors des sentiers battus !

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire