lundi 28 janvier 2013

Le goût du sang (1/2) : Genèse

Parmi les différents sujet que traitent habituellement les peintres de natures mortes, il en est un qui me fascine encore plus que les autres. Il s'agit des carcasses, des bêtes pelées, des étals de boucherie ou de toutes autres choses de même acabit, pourvu qu'on voit du sang ! 

 


A l'inverse, les tableaux de chasse présentant des gibiers et des oiseaux morts ne suscitent en moi qu'un intérêt purement formel. Je les regarde comme je regarderais la représentation de fruits ou de vaisselle, c'est-à-dire d'abord comme des matières plus ou moins difficiles à peindre et où se révèlent d'autant mieux le talent du peintre (ici : Cornelis Lelienbergh).

Il
est vrai que les plumes, les poils, les surfaces organiques... sont sans aucun doute des matières difficiles à peindre. Sur elles, la touche grossière est prohibée. La lumière doit caresser la peau, le poil ou la plume avec une douceur infinie et ne peut tout au plus que frôler la matière. Chez les grands peintres, quand ils y parviennent, ça donne d'absolus chefs d'œuvre où l'on pourrait croire que la peinture s'ingénie à tromper le réel.
Néanmoins, et malgré toutes ces qualités plastiques, ce ne sont pas ces tableaux que j'apprécie le plus. Comme je l'ai dis plus haut, mon truc à moi, c'est la chair et la viande. 

Quand j'en vois un qui me convient (ci-dessous : Claude Monet, "Étude"), je n'ai plus, pour un instant, aucun intérêt pour la qualité de la représentation. Toute mon attention se focalise sur le motif, comme s'il m'appelait. Je suis littéralement aimanté : mes yeux fouillent la chair, mon nez piste l'odeur du sang, mes doigts frémissent d'entrer en contact avec la résistance molle et humide qu'opposent les muscles morts et dans lesquels ils s'imaginent déjà enfoncer et ma main toute entière me supplie de la laisser aller malaxer les chairs froides.

Je dois l'avouer, c'est une passion que certains pourraient qualifier de malsaine, un goût du sang pour moi d'autant plus surprenant que je ne suis pas intéressé dans la réalité par l'équivalent de ces représentations, et que, mangeant peu de viande, je ne vais presque jamais dans les boucheries. En revanche, j'aime le rapport froid et dépassionné qu'entretient la médecine avec le corps. Je regarde bien souvent les corps (le mien, celui des autres) comme une pure machine avec sa tuyauterie, ses rouages et ses joints. Et c'est peut-être ça, enfin, qui m'attire dans ces peintures. Elles offrent à l'œil le loisir de se faire scalpel et de fouiller sans fin les entrailles de la matière vivante. J'y exerce ainsi à loisir mon œil avec la curiosité subjuguée de l'étudiant en médecine invité à sa première leçon d'anatomie.  
  
Rien de bien bizarre en somme, à peine un goût déviant qui traverse sans aucun doute de nombreuses personnes... insuffisant en tout cas pour expliquer ce goût chez moi si prononcé des étals de viande.
A suivre donc...

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