Il aura fallu un article dans le journal de ce jour pour que je me décide à consacrer un article à Rachel Ruysch, artiste majeure concernant le thème de la nature morte dont elle est l'un des plus brillants représentants et dont les peintures, toujours appréciées, s'arrachent sur le marché de l'art.
Peintre hollandaise qui vécut à cheval sur la fin du XVIIème siècle et la première partie du XVIIIème siècle, Rachel Ruysch est née à la Hague en 1664, et elle était la fille d'un célèbre botaniste, Frederik Ryusch.
Elle fut, dès l'âge de quinze ans, l'apprenti de Willem van Aelst, grand peintre de Delft, qui s'était spécialisé dans les peintures de natures mortes.
Elle deviendra de son vivant un peintre renommé, appelé à Düsseldorf à la cour de l'Electeur Palatin Johann Wilhelm où elle demeurera huit ans, avant de revenir à Amsterdam où elle continuera de peindre pour des particuliers jusqu'à la fin de sa vie en 1750.
Aujourd'hui, son talent est toujours aussi appréciée et elle fait partie des peintres de natures mortes les plus renommés et les plus lucratifs du marché de l'art.

Mais elle maîtrisait aussi admirablement les aspects les plus réalistes de ses sujets, dans le dessin des fleurs tout d'abord, mais aussi dans le rendu des vases ou le dessin des insectes. Enfin, c'est une coloriste hors pair qui, selon moi, a parmi les peintres de natures mortes le mieux compris les subtilités des appositions de couleurs.
Ses sujets sont exclusivement des bouquets de fleurs, quasiment exclusivement peints sur des fonds noirs.
Chaque fois, la composition est équilibrée, mais sans jamais paraître compliquée. Ruysch ne verse pas dans la grandiloquence ou dans le tour de force. Au contraire, ses compositions surprennent en ce qu'elles semblent tout droit sorties d'une étude, comme si le bouquet dont elle s'était servi comme modèle était un bouquet réel posé sur n'importe quelle table, dans n'importe quelle maison. Et sans doute est-ce pour cette raison, notamment, que ses compositions ont le goût du réel, le goût des choses belles et éphémères.

Ce goût pour les tons sur tons, pour les dégradés feutrés plutôt que francs rend les matières délicates et subtiles et offre à l'œil une douceur infinie. L'œil n'est jamais malmené par des variations bigarrées, des chocs violents où les couleurs primaires s'affronteraient. Ici, il lui faut au contraire surprendre les nuances, glisser sur les aplats lumineux et les ombres soyeuses afin de séparer les tons, dissocier les nuances et les rapporter dans la lumière afin de faire émerger les bleus nuit qui se mêlent aux ombres.
Et puis il y a tous ces insectes, araignées et autres gastéropodes...
Dans presque tous les tableaux de Ruysch, vous verrez ici se poser une mouche, là butiner un papillon ou une libellule, ici encore avancer une procession minuscule mais solennelle de fourmis ou flâner un hanneton baladeur... bref, tout un capharnaüm de petits insectes qui courent sur les fleurs ou viennent se régaler de leur pollen.
De prime abord, on pourrait penser qu'ils sont là pour animer le tableau, pour suggérer aussi la fraicheur
des fleurs qui semblent alors à peine coupées... Mais à bien y regarder, peut-être sont-ils là,
au contraire, pour nous inciter à une lecture qu'on pourrait dire plus métaphysique, pour
suggérer qu'avec ces fleurs coupées se joue aussi le cycle sans fin ni perte de la vie et
de la mort, cycle où certains se repaissent pour vivre de la décomposition des autres.
Quoi qu'il en soi, n'allez surtout pas chercher à travers eux le talent réaliste du peintre ou n'importe quel autre intérêt pour la mimésis. Le réalisme n'était pas la préoccupation de Rachel Ruysch lorsqu'elle les peignait. Au contraire !
Parce qu'en définitive, tous ces insectes ne sont là que pour nous inviter à venir partager avec eux le festin que leur offrent les fleurs...
...pour nous inviter, en somme, à nous faire nous aussi les contemplateurs enivrés et discrets d'un silence où les fleurs n'en finissent jamais de faner.

Quoi qu'il en soi, n'allez surtout pas chercher à travers eux le talent réaliste du peintre ou n'importe quel autre intérêt pour la mimésis. Le réalisme n'était pas la préoccupation de Rachel Ruysch lorsqu'elle les peignait. Au contraire !
Parce qu'en définitive, tous ces insectes ne sont là que pour nous inviter à venir partager avec eux le festin que leur offrent les fleurs...
...pour nous inviter, en somme, à nous faire nous aussi les contemplateurs enivrés et discrets d'un silence où les fleurs n'en finissent jamais de faner.